Du grassroot au netroot ?

Qu’il s’agisse des journaux, de la radio, de la télévision, du courrier ou du fax, les technologies de l’information ont de tout temps été intégrées aux tactiques des groupes d’intérêt. L’émergence de l’activisme politique sur Internet a également entraîné d’importantes innovations au plan des tactiques.

De plus, le monde de la politique semble être fertile en matière de diffusion de l’innovation. D’une part, les campagnes attirent un grand nombre de jeunes scolarisés ayant de larges réseaux sociaux et étant prêts à investir de longues heures pour une cause. Les avancées technologiques rapides dans le domaine des télécommunications créent également un impératif pour ces derniers de se tenir à la fine pointe des nouveaux moyens de mobilisation et de communication. Ajoutons à cela une forte mobilité entre les organisations de mêmes familles idéologiques et on obtient un terrain fertile à l’innovation et au partage de tactiques.1

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Cet extrait est tiré d’un travail sur les groupes
d’intérêt américains et leurs tactiques. PDF

L’un des types de tactiques innovantes des dernières années est ce qu’on appelle le « netroot ». Le « netroot » est l’application en ligne de principes du « grassroot », c’est-à-dire une mobilisation de la base militante d’un mouvement. En 1998, lorsque Wes Boyd et sa femme Joan Blakes en eurent assez des attaques républicaines réclamant la tête de Clinton (impeachment), ils fondèrent le site « MoveOn.org ». Ce site, dont la gestion est faite depuis leur domicile en Californie, regroupe aujourd’hui plus de 3 millions d’Américains libéraux. Ces derniers prirent d’abord position en faveur de Clinton, mais ensuite poursuivirent d’autres objectifs comme de faire pression sur les candidats démocrates afin qu’ils prennent position contre la guerre en Irak. À l’aide de ce site, « MoveOn » informe, prend position et suscite la mobilisation de ses membres. Par exemple, il stimule la créativité des membres en organisant des concours de messages politiques vidéo, les diffuse sur le web et recueille des fonds pour les diffuser sur les réseaux de télévision. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les membres de « MoveOn » ne sont pas que des individus dans la vingtaine habitant les châteaux forts libéraux des milieux urbains de la côte est et ouest. Plusieurs de leurs membres sont dans la quarantaine et la cinquantaine et proviennent de la banlieue et de milieux ruraux du Midwest! Avec « MoveOn », ils retrouvent des gens partageant des idées libérales avec qui il est parfois plus facile d’échanger qu’avec les citoyens de leur localité.2

Andrew Chadwick, professeur de politique à l’Université de Londres et co-directeur du « New Political Communication Unit » au département de politique et de relations internationales du Royal Holloway, résume ainsi l’impact que ce groupe a pu avoir dans l’arène politique :

« By the time of the close of the 2006 elections, it was also clear that the netroots movement MoveOn, by campaigning in support of several successful Senate and House candidates, had exerted influence on the Democratic takeover of Congress. Soon after the election, MoveOn’s website displayed a table of statistics for the pivotal districts, including margin of victory, financial contributions, and number of phone calls to voters. It mobilized volunteers to make seven million calls and host 7,500 house parties.»3

Références
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1 Malbin, Michael J, Clyde Wilcox, Mark J. Rozell, et Richard Skinner. New Interest Group Strategies -A Preview of Post McCain-Feingold Politics? Washington, DC: The Campaign Finance Institute, 2002. p12

2 Welch, Susan, John Gruhl, John Comer, et Susan M. Rigdon. Understanding American Government. Florence, KY: Cengage Learning, 2009. p158

3 Chadwick, Andrew, et Philip N. Howard. Routledge Handbook of Internet Politics. Routledge International Handbooks. New-York, NY: Routledge, 2009. p60