Une synergie intéressante entre le monde virtuel de l’internet et celui de l’action directe dans la rue s’est dessinée suite à la manifestation contre la venue du prince Charles à Montréal. À cause de cette manifestation le RRQ, initiateur de l’évènement, vient de connaître ce qu’on pourrait appeler un « cycle de croissance ». Il est d’intérêt d’observer d’un peu plus près comment tous les éléments responsables de cette croissance se sont mis en place. Voici l’histoire (ou du moins une partie!) de la manif qui empêcha le prince Charles d’entrer par la porte d’en avant…
Un courriel pour sonner la charge
Fort d’une liste de diffusion pouvant joindre des milliers de personnes, Patrick Bourgeois, à la tête du RRQ, annonce dans un courriel la position de l’organisation face à la visite du prince Charles. Un deuxième courriel suivra quelques jours après pour annoncer le lieu, la date et l’heure de la manifestation.
Les sites web pour diffuser le message
Le contenu du courriel est d’abord publié sur les sites web près de l’organisation du journal Le Québécois. La participation de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJBM) et du Mouvement souverainiste du Québec (MSQ) améliore la visibilité de l’action. Des sites web générant de bons volumes de trafic comme Amériquébec, Louis Préfontaine.com et Vigile viendront ensuite appuyer l’effort de communication de la coalition. Quelques blogueurs politiques permettront aussi de faire connaître l’initiative.
Les réseaux sociaux pour s’organiser
Les membres du RRQ, très présents sur Facebook, forment le groupe « Contre la visite du prince Charles au Québec ». Ils iront chercher plus de 500 membres. Ce réseau permit de communiquer les détails de la manifestation et de bien mobiliser ceux qui étaient susceptibles d’y participer.
La manifestation pour alerter le grand public
Tout ce qui précède ne serait qu’une longue suite de 0 et de 1 si cette communication ne menait pas à une action. L’enjeu du nombre de manifestants est important. Une manifestation attirant peu de gens méritera l’attention de peu de médias, comme ce fut le cas pour la dernière manifestation devant les bureaux de Brent Tyler. Heureusement, le nombre sera suffisant pour attirer les médias et RDI décide d’aller en direct avec cette nouvelle. L’objectif de la manifestation est atteint, l’entrée du prince dans la caserne du régiment des « Black Watch » est compromise. La nouvelle fera le tour du monde ou presque.
Les médias de masse relaient le message
Avant la manif, l’information circule surtout sur Internet. Elle a rejoint quelques milliers de personnes, mais n’est toujours pas devenue une manchette de l’actualité. Par contre, dès le début de la manif, en utilisant un outil de recherche en temps réel comme Collecta, on constate que la nouvelle est reprise par plusieurs médias de masse. D’abord les médias locaux, LCN et Métro Montréal, puis ça s’étend rapidement en quelques heures. Le Windsor Star et le Toronto Sun précèderont une vingtaine de médias du monde entier tels Paris Match ou « The Guardian ». Pour la petite histoire, il est intéressant de noter un phénomène de téléphone arabe dans la couverture de cette nouvelle. En effet, la presse anglophone a largement choisi de mettre en titre le tir d’œuf d’un protestant à un soldat. Pourtant, le « World news Australia » informait ces lecteurs que des œufs avaient été tirés sur le prince lui-même ! (Protesters fire eggs at Prince Charles)
Malgré une couverture de presse impressionnante, on note qu’aucun média américain ne s’est emparé de la nouvelle. Il serait intéressant d’investiguer pour comprendre ce manque d’intérêt.
L’impact des médias de masse sur la Toile
Ils ont beau être en crise, les médias de masse ont encore un pouvoir de diffusion énorme. Bien qu’aucun de ceux-ci n’ait mentionné l’adresse du site web du RRQ ou fait un lien hypertexte vers celui-ci, les visites sur le site du RRQ explosent. Le jour de la manif le site du RRQ voit son nombre de visiteurs augmenter de 400% et le lendemain de 500%. D’où vient tout ce trafic ? Il est généré à 50 % par un seul moteur de recherche: Google. Ils seront des centaines de curieux à taper « RRQ » dans ce moteur de recherche pour trouver le site après en avoir entendu parler dans un média de masse.
Le nombre de membres augmente
Le nombre de personnes exposées au RRQ augmente radicalement dans les jours suivants la manif. Le site publie en page d’accueil la longue liste de médias ayant couvert l’évènement témoignant du succès de son opération. Des internautes souligneront d’ailleurs quelques oublis et aideront à compléter la revue de presse. Ce n’est donc surement pas par hasard que plusieurs sont venus grossir les rangs de l’organisation durant cette semaine de forte visibilité médiatique. Le nombre de sympathisants inscrits sur le site augmenta de 20 %. En faisant ainsi le plein de nouveaux membres, l’organisme construit le succès de ses mobilisations futures.
Un coup de pouce au financement
Depuis le début d’octobre, l’organisme a mis en ligne une nouvelle boutique électronique. On peut s’abonner au journal du Québécois, acheter des livres, des t-shirts et autres accessoires. Ses ventes sont encore modestes, mais la manifestation a permis de les doubler.
Conclusion
On observe un cycle de croissance d’un organisme militant basé sur une action de terrain ayant eu des retombées dans les médias. Ce court cycle n’est pas garant d’une croissance à long terme, mais témoigne néanmoins d’une synergie nouvelle dans le monde du militantisme utilisant Internet comme lieu pour s’organiser et la rue comme lieu pour alerter l’opinion publique.
Comme on peut le voir, le succès de chacune des étapes donne de la valeur et de la force à l’étape suivante. Par exemple, plus le nombre de personnes rejoint par des réseaux sociaux tels Facebook est élevé, plus le nombre de personnes présentes à la manif est susceptible d’être élevé. Plus ce nombre est élevé, plus les médias traditionnels sont susceptibles d’en parler et ainsi de suite.
Le RRQ maîtrise-t-il toutes ces étapes? Autant qu’un apprenti sorcier! Ce « cycle de croissance » a été improvisé! Il fut découvert après coup. Il faudra se pencher sur chacun des maillons de cette chaîne pour comprendre comment il peut être optimisé, car le pouvoir d’attraction d’un prince en visite ne sera pas toujours au rendez-vous.