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Que nous reste-t-il du temps des bouffons?

Il y a eu plusieurs hommages qui lui ont été rendus suite à son décès et aussi quelques affronts. Pierre Falardeau ne laissait personne indifférent.

Je laisse le soin aux journalistes et à ceux qui l’ont connu de dresser un portrait de l’homme. J’en serais incapable. Je n’en demeure pas moins attristé de voir ce grand patriote moderne nous quitter.

falardeauComme plusieurs, je l’ai découvert à travers Elvis Gratton quand j’étais encore prépubère. À l’époque, pour moi, Falardeau était un grand comique. C’était vulgaire. Ça détonnait dans le paysage cinématographique. C’était le film idéal pour un pré ado. Puis j’ai vieilli et j’ai commencé à regarder ce film différemment d’année en année. (Oui, moi aussi, je l’ai vu tellement que je pouvais le citer presque au complet). À 15 ans, j’ai commencé à reconnaitre certains de mes oncles dans Elvis. C’était le génie de ce film : même les gens de qui il riait riaient de bon cœur en le regardant. À 16 ans, j’ai découvert son ironie. Et à 17 ans, j’ai compris la dimension politique du film. Quand Elvis Gratton 2 est sorti et qu’il battait Star Wars au box-office, j’en étais très fier.

Mais le film de Falardeau qui me décrocha la mâchoire fut sans aucun doute « Le temps des bouffons ». Ce n’est pas le meilleur de ces films, mais c’est le plus grand coup de poing cinématographique que je n’ai jamais vu.

Jamais je n’ai ressenti un aussi grand malaise en regardant un film. Je ne sais plus combien de fois j’ai reculé la cassette en me disant: « Ça se peut-tu qu’il ait dit ça? » Tout est choquant dans ce film. Le comportement des Canadiens français « collabo » dans cette célébration du colonialisme britannique est honteux et les commentaires de Falardeau sont assassins. Je suis sorti de ce film en me disant « Y’a raison, mais là il va trop loin ». Puis, j’ai (encore) vieilli et mon regard sur ce film a changé.

Ce film, je le vois maintenant comme un appel au combat. Pas à la prise des armes, mais au genre de combats qui mènent à la liberté des peuples. Les peuples ne se libèrent pas par référendum. Les peuples se libèrent quand ils combattent et gagnent contre des élites politiques et économiques qui ne servent pas leurs intérêts. On a souvent critiqué Falardeau en le traitant de dépassé avec ses idéaux d’antan et sa démonisation d’une certaine classe politique. Je crois, au contraire, qu’il est tout à fait d’actualité.

La liberté du peuple québécois n’est toujours pas conquise. Certains bienpensants, que Falardeau détestait, nous diront que le Québec peut s’épanouir dans la confédération. Comment se fait-il alors que notre langue soit en déclin dangereux dans notre propre métropole? Pourquoi sommes-nous en train de financer des guerres que nous ne voulons pas? Pourquoi tapons-nous des mains quand le Canada nous offre un statut de nation vide de sens? Parce que nous ne sommes pas libres. Individuellement, nous le sommes, mais collectivement, non.

Falardeau, par son film, m’aura appris ça. C’est ce qui nous reste de ce film et de sa vie: le combat.

revoir « Le temps des bouffons«